16/11/2006

La délirante protection étatique du locataire au détriment des propriétaires

Supposons que vous ayez acheté un logement pour le louer. Vous avez ou non pris toutes les précautions pour vous assurer de la qualité de l’occupant. Patatras ! Voici qu’après un temps plus ou moins long, celui-ci ne vous paie plus. Les histoires de ce genre sont courantes. Ce qui est plus cocasse, c’est la suite. Tout comme l’immensité des français, vous supposez bien sûr qu’amenant votre bon droit sous le bras, le juge va se dépêcher d’obliger le récalcitrant à payer ou à loger ailleurs. Si vous avez lu le paragraphe ci-dessus, peut-être êtes vous tout de même un peu dubitatif, et vous avez fort raison.

En effet, vous devrez d’abord porter plainte, avoir de solides pièces en main pour prouver votre dol ; votre parole ne suffit pas, loin s’en faut. La vérité ne se décrète pas : elle se démontre, documents à l’appui. Vous devez avoir avisé votre locataire de son paiement de loyer par lettre recommandée avec accusé de réception, avoir attendu un délai suffisant même s’il n’est pas venu la chercher. Vous devez aussi lui adresser par un autre courrier tout aussi recommandé tous les éléments que vous désirez produire au tribunal contre lui, sinon il pourrait y avoir vice de forme, et tout à recommencer.

Voilà, c’est fait, avec ou sans avocat. Vous avez porté plainte au tribunal d’instance ou de grande instance suivant l’importance du loyer, attendu plusieurs mois au minimum pour avoir la date de jugement. N’importe, vous commencez à vous énerver, parce que c’est vrai, vous êtes un propriétaire puisque vous louez un logement qui vous appartient, mais vous ne le savez peut être pas : la France n’aime pas les (supposés) riches. Qu’importe si vous même louez le logement que vous occupez, et que vous avez mis toutes vos économies épargnées centime après centime dans cet achat, et que le crédit courant dessus vous prend presque toutes vos ressources, alors même que pour réaliser votre rêve, vous faites moult heures supplémentaires, travaillez le week end dès que cela est possible.

Si votre locataire ne se présente pas à l’audience, mais promet de payer, ou paye un peu, ou seulement argue de difficultés transitoires et demande des mesures adaptées (un paiement différé, ou sur plusieurs mois) : cela suspend la procédure. Si les loyers ne sont toujours pas versés : il faut la réactiver. Puis vient l’hiver, entre novembre et mars : vous ne pouvez pas expulser l’indélicat, quoique vous fassiez. C’est la loi. C’est normal : on n’envoie pas dehors au froid un être humain ; par contre, lorsqu’il fait chaud, on peut le faire, ou s’il fait froid mais que c’est l’été : on le peut également.

Par contre, si votre locataire a plus de 75 ans : vous ne pourrez de toutes façons pas l’expulser. S’il est handicapé : non plus.
Mais voilà, vous avez de la chance : on est en été et le tribunal a ordonné l’expulsion de votre mauvais locataire, et même, vous êtes vraiment super veinard, vous a attribué une somme compensatrice des loyers impayés, que le président a revus à la baisse, étant données les difficultés du pauvre hère : hé oui, il en a parfaitement le droit, malgré tous les papiers et contrat de location en règle que vous auriez pu signer. N’importe, tout ce que vous désirez maintenant, c’est en finir avec cette histoire se prolongeant depuis des années. Qu’il débarrasse le plancher. Et finalement, vous êtes très heureux de pouvoir récupérer votre logement.

Patatras ! Ce n’est pas fini. Comment ? Ah ! Non, les belles histoires qui finissent bien, ou à peu près bien, c’est dans les contes, et le plus souvent pas dans la vie. Là, le tribunal vous a bien alloué une somme pour tous les loyers impayés, mais c’est à vous de la récupérer, via un huissier grassement payé. Evidemment, entre temps, si vous avez le bonheur de ne pas être tombé sur un locataire devenu insolvable, celui-ci aura bien pris soin de partir sans vous laisser sa nouvelle adresse. Je vous souhaite bien du plaisir pour le retrouver.

Non, non. Ce n’est toujours pas terminé. Rappelez-vous : votre locataire est toujours en place, même s’il ne paye ni loyer ni charges. Vous avez un papier du tribunal vous donnant raison et lui ordonnant de partir, mais s’il ne part pas : vous devez là aussi faire appel à un huissier (la loi vous oblige de passer par lui), toujours aussi bien rémunéré : normal, c’est vous qui lui faites gagner sa vie. Donc l’huissier bien payé sonne à la porte du méchant pour lui dire de partir. Celui-ci lui répond : non, et l’homme chargé de dire le jugement s’en va, pas penaud du tout, car il a l’habitude de la chose. Par contre, il n’oubliera pas de vous présenter sa facture.

Etape suivante : vous devez faire appel, via l’huissier, à la force publique, c’est à dire aux policiers. Là, petit problème, il faut que celle-ci veuille bien intervenir. En effet, aussi aberrant que cela puisse paraître, elle peut fort bien le refuser, sous prétexte de trouble de l’ordre public par exemple, ou parce que la mairie refuse d’appliquer les expulsions. Vous devrez donc vous retourner contre l’état refusant d’appliquer la décision judiciaire pour vous faire indemniser. Vous avez déjà été devant le tribunal administratif ? Non ? Alors je vous souhaite bon courage. Mais je pense que d’ici cinq à dix ans vous aurez - peut-être – réussi à expulser votre locataire indélicat. Par contre, pour ce qui est de récupérer ne serait-ce qu’une partie de vos loyers...

Allez, je vous vois très découragé. Pourtant, je vous assure que tout ce déroulement d’actions n’est pas rare du tout. Mais je vais être bon avec vous : tout s’est bien passé, et rapidement (quelques mois d’attente tout de même, ne soyez pas gourmand : c’est vraiment le minimum que la justice puisse faire pour vous). Le locataire est parti, et, ravi, vous retrouvez votre logement. Eh oui, il est quelque peu dévasté, soit que le locataire soit un porc, ou, fâché, ait tout cassé. Là, vous avez de la chance, parce que, même si vous n’avez pas établi un état des lieux à l’entrée du locataire, celui-ci est supposé avoir reçu l’habitation en bon état. Evidemment, il reste à récupérer les sommes dues pour remettre tout en état, donc : huissier pour constater et chiffrer l’étendue des dégâts (vous payez pour ce faire bien sûr), procès, avocat bien payé éventuel, recherche du locataire en espérant qu’il ne soit pas devenu insolvable, que vous le retrouviez bien…

Mais, je vous sens très désappointé par l’état de la justice française. Sachez d’abord que même si le président du tribunal peut beaucoup changer la décision finale (par exemple il peut toujours ou presque donner tort au propriétaire, comme le tribunal de Melun entre autres), il ne fait le plus souvent qu’appliquer la volonté du législateur, c’est à dire de nos politiques. Mais je ne veux pas terminer cette histoire sur cela, et désire vous donner une note de satisfaction : sachez aussi que si vous habitiez en Pologne, vous ne pourriez pas faire partir le locataire sans lui avoir trouvé un autre logement, ce que font parfois nos juges français ; en Islande, c’est pire : pas d’expulsion possible, tout simplement !

Une petite dernière pour la route : si votre logement est inoccupé, mais que vous ne voulez pas le louer à cause de tout ce qui précède, dans certaines villes, l’état peut le réquisitionner pour le louer à votre place, ou vous taxer du fait que vous ne le louez pas (en plus de toutes les taxes et impôts existants évidemment). Il peut aussi se faire qu’une personne vienne forcer votre serrure, la change par la suite, se fasse déclarer auprès d’EDF ; après 48h00, vous ne pouvez l’expulser de votre logement que par tout ce qui précède. C’est ce que l’on appelle un squatter ! Un délice !

Je vois l’étonnement dans vos yeux. Pourtant, vous pouvez vérifier : tout ceci est rigoureusement exact. En général, ceux en étant passés par là ne veulent plus jamais entendre parler de location. On se demande pourquoi.
Ne nous trompons pas de combat. D’abord ne croyez pas que la révélation dans ce livre de tout cela puisse aggraver l’existant. Les petites crapules voulant profiter des dysfonctionnements de la loi savent déjà parfaitement tout cela, et en profitent depuis longtemps pour la plupart. L’extraordinaire, véritablement, est qu’il se trouve en fait tant de locataires honorables, alors que manifestement, en la matière comme en tant d’autres, la malhonnêteté paye !

Egalement, ne croyez pas que mon propos soit de jeter dehors tous les pauvres gens incapables de payer un loyer. Bien au contraire. Voir dormir dehors au froid ou non tant de monde me révulse assez pour que je ne le souhaite nullement. J’ai déjà tant de mal à ne pas avoir honte d’être un humain. Par contre, si toutes les personnes DOIVENT bénéficier d’un logement convenable à habiter, leur carence de paiement ou de respect du logement ne doit en aucun cas être mis au déficit d’un propriétaire particulier, ni même d’une institution comme un office HLM par exemple. C’est une sorte de loto à l’envers, où celui ayant tiré le mauvais numéro paye très cher en argent, énervement, énergie, temps passé à se démêler de son horreur. L’état seul doit payer pour les plus démunis, c’est à dire tous les français, et non le pauvre hère du hasard, qu’il soit petit ou gros propriétaire.

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