20/11/2006

La manipulation et le pouvoir des média

On parle souvent du pouvoir de la télé, mais sans jamais en dire la réalité du quotidien. C’est par exemple celle sous les présidents De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing où la télévision obéissait fidèlement à son maître, sous peine d’en voir les responsables virés. Au jour le jour, si on vous présente quelqu’information que ce fut : fait divers, choix politique… la télé interroge des gens comme vous et moi pour qu’ils donnent leur avis.

Mais voilà, souvent, selon l’orientation du jour voulue par la direction du journal, ses commanditaires, on interrogera davantage certaines personnes que d’autres, pour qu’un même avis en ressorte. Ou plus subtil, les idées contraires à celles défendues par la chaîne seront exprimées par des personnes laides, répugnantes, visiblement dérangées d’esprit, haineuses par exemple. Ainsi je me rappelle de l’abattage du front national entre les deux tours présidentiels derniers.

Que ce parti ait des idées respectables ou non, ce n’est pas à un média de le dire dans ce qu’il appelle un journal télévisé. Un des adhérents de ce parti avait un nez épais d’ivrogne, et était édenté. On le voyait en gros plan vitupérer contre la société existante, ses dents inexistantes étaient vues en très gros plan et longtemps, alors qu’il ouvrait grand la bouche pour dire tout son mécontentement, comme le font tous les militants convaincus. Si vous haïssez ce parti, ou simplement ne l’aimez pas, vous pensez peut être que c’est là chose bonne.

Pourtant, croyez-vous vraiment que c’est par ce genre de méthode que l’on combattra ses idées ? Est-ce en l’empêchant d’être représenté au niveau politique que l’on satisfera l’expression de ses idées ? Alors comment les combattre sans les mettre à l’épreuve, avant qu’il ne soit trop tard et qu’ils risquent de balayer les autres partis ? Comment cesser le sentiment d’injustice de ceux les soutenant ?

Je vous rappelle simplement que M Chirac a fait aux dernières élections un score équivalent à M Le Pen. L’un est censé être le représentant de tous les français, ayant gagné le poste de Président, avec le soutien entier des deux chambres parlementaires ; le second n’a pas un seul député à ces deux assemblées. Vraiment ? Vous pensez que la démocratie est bien respectée ? Vous ne croyez pas que c’est un fort danger tout cela ?

Voyons ce qui se passe dans un pays proche de nous : l’Italie. Même le fait que M. Berlusconi ait été mis en cause dans une dizaine d'enquêtes judiciaires ces dernières années suscite peu d'indignation. Il est vrai que chaque italien a plus ou moins une indélicatesse avec la justice. La situation de son premier ministre ne choque donc pas outre mesure. Mais cette relative indifférence ne serait-elle due aussi au contrôle d'une partie de la presse et de la télévision par M. Berlusconi ? Qu'un chef de gouvernement puisse avoir la main sur six des sept chaînes nationales, soit plus de 90 % de l'audience, dans un pays où, selon les études récentes, 60 % des gens ne sont informés que par la télévision est au cœur du fameux conflit d'intérêts que fustige l'opposition.

Il n'est pas anodin de constater que la majorité italienne se déchire sur tout, sauf sur la justice et... la télévision. Grâce la télé, Berlusconi propose une simplification de la politique ; il s'en sert comme d'un balcon pour parler directement aux gens, en s'exonérant des règles institutionnelles. En cela il est techniquement révolutionnaire. En Italie s'élabore un modèle inédit de populisme moderne qui pourrait gagner toute l'Europe.

La plupart du temps, le Palazzo Chigi -le Matignon italien- n'a pas à intervenir, l'autocensure se charge des éventuels dérapages. Dernièrement, la direction de la RAI a suspendu d'elle-même une émission satirique dont le premier épisode était apparu fort irrévérencieux. Et lors d’un discours de M. Berlusconi à l'ONU, dans le journal télévisé de RAI 1, les plans de coupe montraient une salle comble alors que, d'après les journalistes présents, elle s'était aux trois quarts vidée après le départ de Kofi Annan et de George Bush. Un montage dû à un excès de zèle, digne d'une démocratie populaire.

Dispositif plus discret, le groupe Holding della comunicazione, dirigé par l'un des fidèles de Berlusconi, contrôle quatre instituts de sondage, deux agences de publicité, une société spécialisée dans l'affiche et un grand centre de télémarketing. L'ensemble permet de prendre le pouls de la population et constitue une redoutable machine à communiquer,

A son pouvoir médiatique, Il Cavaliere peut ajouter, et c'est une autre caractéristique majeure du berlusconisme, une puissance économique personnelle que ne possède aucun dirigeant politique occidental. Contrôle et puissance télévisuelle, médiatique et financière, le plus mauvais est concentré dans de vilaines mains, ouvertement, sans guère de contestation interne. En France, les mêmes schémas tentent de se mettre en place, mais en silence.

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