20/11/2006

La prison : inutile, symbole de l’inégalité sociale

On le sait, les prisons sont engorgées. Chacune construite pour héberger 2 à 5.000 personnes se trouve continuellement avec le double. Solution ? Construire de nouvelles prisons bien sûr ! Comme cela les finances publiques feront travailler le privé pour la construction, maintenance, créeront des emplois de gardiens, c’est bien utile pour faire marcher le commerce et faire peur aux délinquants.
Ces derniers n’ont pas la même idée de la chose. La prison, ils savent qu’ils la risquent pour leurs méfaits continuels. Mais quelle est la nature de ce risque ?

1 / D’abord il faut être pris, et ce n’est pas souvent le cas.
2 / Ensuite, si on est pris, le plus simple est de ne rien avouer, et la justice aura bon jeu de prouver vos larcins et saloperies diverses tant qu’il n’y a guère de preuve. Au pire, on sera puni pour le fait précis valant votre arrestation, et non pour tous ceux précédents.

3 / un petit séjour en prison est parfois bien utile pour asseoir votre réputation de petit caïd dans votre quartier, voire pour en connaître bien davantage sur les mauvais coups possibles pour ne pas se faire prendre, et trouver de bons copains pour les faire : la prison et la haine qu’elle engendre (mais en général les gens qui y vont en ont déjà une bonne réserve dès le début) permet de nouer de solides amitiés.

4 / si vous êtes un délinquant en col blanc, vous pouvez enlever tout ce qui précède, les corrompus ne faisant pas de lois pour s’auto punir, vous n’avez quasiment aucune malchance d’aller en prison !

Aux USA, pays modèle pour tous les libéraux : 0,7 % de la population est en prison (0,1 % dans notre pays). 2 millions de personnes ; 4 fois plus qu’en 1970 ; 12 % des noirs âgés de 20 à 34 ans sont en prison contre 1,6 % des blancs du même âge.

Note sur les détenus :
Les détenus sont surtout des hommes jeunes : près de la moitié ont moins de 30 ans. La fréquence d’incarcération est maximale entre 21 et 25 ans. Les milieux défavorisés sont sur représentés, tous les indicateurs le confirment :

* profession : un détenu sur sept n’a jamais exercé d’activité professionnelle et un sur deux est ou a été ouvrier, contre un sur trois dans l’ensemble de la population. A l’inverse, les agriculteurs sont très peu nombreux en prison : ils représentent 0,9 % des détenus contre 4,4 % de l’ensemble des hommes de 17 ans ou davantage. A âge égal, leur risque d’être incarcéré, comme celui des cadres supérieurs, est six fois plus faible que pour les artisans et commerçants.

Les professions des parents confirment la sur représentation des milieux populaires : 47 % des pères de détenus sont ouvriers, 16 % sont artisans ou commerçants. Les mères sont ouvrières ou employées, le plus souvent «femmes de ménage» ou employées dans les services directs aux particuliers (hôtellerie, coiffure). Plus de la moitié (54 %) des mères sont inactives. Les situations professionnelles des conjointes traduisent la même appartenance sociale que les détenus : inactivité fréquente, emplois d’usine et de services directs aux particuliers.

* âge de fin d’études : ceux qui ont quitté l’école avant 16 ans courent un risque quatre fois plus élevé d’être incarcérés par rapport aux hommes ayant terminé leurs études à 18 ou 19 ans, tandis que ceux qui ont prolongé leurs études après leur vingtième anniversaire courent un risque quatre fois moindre.

* pays de naissance : les hommes nés à l’étranger sont deux fois plus nombreux en prison que dans l’ensemble de la population : 24 % contre 13 %. Ce sont d’abord les hommes nés en Europe orientale, en Roumanie et ex-Yougoslavie en particulier ; ils sont soumis à un risque relatif de 3,3 contre 1, à âge égal, par rapport aux hommes nés en France : le séjour irrégulier en France est en lui-même un motif d’incarcération, pour des populations récemment immigrées.

Viennent ensuite les hommes nés dans les pays du Maghreb (risque relatif de 3,0), les immigrés issus de nombreux pays d’Afrique au sud du Sahara (2,7) et les ressortissants de l’Union européenne (1,4). Près de quatre détenus sur dix ont un père né à l’étranger ou dans les anciennes colonies, un quart dans un pays du Maghreb.

* les détenus sont souvent issus de fratries nombreuses : plus de la moitié des détenus ont quatre frères ou sœurs ou davantage, contre moins d’un sur trois pour l’ensemble des hommes, et un sur vingt est issu d’une famille de plus de dix enfants. A âge égal, les hommes issus d’une famille de cinq ou six enfants sont 3,4 fois plus souvent en prison que ceux qui n’ont qu’un frère ou une sœur.

Avec dix frères et sœurs ou davantage, le risque est multiplié par 15. Toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire à âge, âge de fin d’études, lieu de naissance et profession égaux, les risques sont encore respectivement 2,5 et 8 fois plus élevés un détenu sur sept est parti avant 15 ans de sa famille, la moitié avant 19 ans (soit trois ans de moins que pour l’ensemble des hommes).

La population carcérale est très fortement masculine : 49 200 hommes et 2 000 femmes. Au cours de l’année 1998, 71 800 personnes ont été incarcérées, et 72 900 ont été libérées. 20 % des détenus libérés en 1998 ont passé moins d’un mois en prison, 70% moins de six mois. La durée moyenne de détention est de 8,5 mois.

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