20/11/2006

Faites entrer la chance dans votre vie

Le hasard a bien des appellations différentes selon ce qu’on croit : chance, malchance, superstition, coïncidence, déterminisme, destin, et j’en oublie certainement. Moi qui ai un esprit scientifique, je vous avouerai pourtant qu’avec l’âge et les expériences aidant, je crois de moins en moins au hasard.

En effet, selon l’hérédité que vous avez, vous aurez plus de chance d’aller dans telle ou telle direction. On n’a pas encore vu de mongolien être chercheur par exemple. Selon la nature de votre famille aussi : l’enfant papou ayant toujours vécu dans sa forêt vierge risque peu de finir professeur d’université, bien que cela se soit pourtant rencontré, un de ces hommes ayant été aperçu par un européen et emmené faire des études en Europe. Mais sur cent de ces personnes, et cent fils de cadres supérieurs européens, que pensez-vous du nombre respectif de cadres qui en furent issus ?

Je ne discute pas ici de leur possible bonheur respectif ou du meilleur avenir possible, mais des probabilités assez évidentes de leur avenir prévisible.

Il en va de même de l’enfant battu, maltraité psychiquement, ayant parents alcooliques, pauvres, taulards… n’en rajoutons plus, point n’est besoin. Celui-là aura infiniment peu de chance d’arriver au même niveau que l’enfant aimé, choyé, éduqué, guidé dans de bonnes écoles, bien en sécurité chez lui.

Voici une première indication du hasard. Mais il en est d’autres. Par exemple le conducteur de voiture ayant fait un accident plus ou moins grave : pas de bol vraiment ! Vraiment ? Mais si l’on constate qu’à chaque fois qu’il prend sa voiture il a un coup dans l’aile, à l’aide d’alcool ou/et de drogue, ou/et qu’il conduit très agressivement, s’énerve très vite, ne respecte pas les règles du code de la route… son accident ne vous paraîtra plus guère malchanceux, vous étonnant en fait qu’il ne se soit pas produit bien plus tôt et/ou plus gravement.

De la nature du hasard, on arrive à celle de certitude. Ne manque que de savoir le moment exact où elle se produira. Là seule le hasard peut le dire, selon s’il croisera d’autres conducteurs énervés ou non, plus ou moins tolérants envers sa mauvaise conduite, l’enfant qui traverse ou non devant son véhicule... La seule chose sûre est que dans ces conditions, l’accident se produira. Quand, avec quelle gravité, on ne peut le dire. Par contre, il est certain que le manque de sanction forte fait se renouveler le risque.

Il en va de même dans bien des situations : celui qui se prend toujours les pieds dans le fil qui traîne, mais qui ne fait jamais attention où il va, rêvasse en permanence. Quel hasard tout de même que cela tombe toujours sur lui !
Mais encore : en voici un qui tombe toujours malade. Las ! Il ne dort jamais suffisamment par rapport à ses besoins, fait la java, s’alcoolise, ce qui diminue les performances de son système immunitaire.

Tous ces exemples sont grossiers et caricaturaux, pour mieux vous en donner la quintessence. Essayons d’affiner notre analyse. La personne ne souriant jamais, quelles qu’en soient les raisons, qui vous fait la gueule constamment, aura au fil des ans un visage reflétant cette apathie au moins apparente, voire une certaine antipathie que vous ressentirez spontanément en face d’elle.

Vous n’aurez pas envie de lui faire plaisir, de lui être agréable, et aussi peu de l’embaucher si vous êtes un employeur potentiel, soit pour ne pas l’avoir auprès de vous en permanence, soit pour ne pas l’imposer à vos autres salariés, prévoyant une mauvaise ambiance que cette personne pourrait propager. Celle-ci se verra toujours préférer d’autres gens à compétence égale, voire inférieure. La faute à pas de chance pensera t-elle…

Cette jolie personne par contre trouvera bien des mâles autour d’elle pour trouver très spirituelles toutes ses réparties. Elle aura sans doute affaire à quelques jalousies de ses comparses féminines, mais bien d’autres rechercheront à lui être agréable, soit par admiration, ou pour profiter des retombées des mâles dépités, ou encore pour ne pas détester l’objet de toutes leurs attentions.

Bien sûr, l’intelligence de ces jolies personnes n’est pas toujours à l’aune de leur beauté, ne serait-ce que parce qu’elles n’ont guère d’effort à faire pour plaire. Mais il n’en va pas toujours ainsi, car ces jolies demoiselles n’ont guère de contrainte psychique, évoluant dans le monde délicieux des compliments. Elles pourront ainsi donner libre cours à leur intelligence.

Elle n’auront guère de mal à trouver des aides durant leurs études, soit pour leur expliquer ce que d'aventure elles ne sauraient comprendre, ou tout simplement trouver des compagnons de travail. Il n’en sera pas de même pour la moche, désagréable car elle ne s’entend dire que des méchancetés, refuser bien des offres d’amitié. Bien sûr, il n’en va pas toujours ainsi, mais dans l’immense majorité des cas : oui.

Alors si vous trouvez que le hasard existe dans les bons résultats de la première et pas de la seconde… Encore une fois, tout ceci est caricatural, et la vie tout comme l’humain dépend de tant de facteurs qu’il est vain d’appréhender en quelques lignes l’évolution d’une situation. Par contre, on peut dégager des certitudes sur de grandes populations.

Allons encore un peu plus loin. La personne mal dans sa peau, va chercher à s’isoler chez elle, ou à se faire plaindre, ou, par un curieux processus psychique, rechercher la souffrance pour ne plus avoir à craindre qu’elle n’arrive. Les psychiatres connaissent bien hélas ce travers humain. Il lui arrivera toujours tous les malheurs du monde, mais le hasard sera peu en cause. C’est typiquement ce qui arrive à bien des adolescents, mais aussi à des adultes confirmés : faisons juste un petit tour dans cette souffrance, qui n’est qu’une parmi d’autres.

L’adolescent exprime souvent une peur par rapport à la confrontation, un sentiment d’incapacité à répondre aux attentes des autres et à pouvoir être valorisé. C’est cette peur qui va l’amener à se détourner de ce qui lui ferait tellement plaisir : être reconnu comme quelqu’un de valable et de compétent. Pour ne pas se déprimer, il va s’organiser autrement, il rejettera ce qui pourrait l’attirer. On est constamment dans ce paradoxe là.

Plus on est en insécurité interne, moins on a de l’estime de soi ; plus on est en attente des autres (trouver à l’extérieur ce qui nous manque), plus cette attente est vécue comme une humiliation intolérable, comme une menace sur son identité. Quoi qu’on fasse, ça ne va pas.

On retrouve là, condensées, les angoisses humaines fondamentales : si l’on ne me regarde pas, je n’ai pas de valeur ; mais si je ne me sens pas un minimum suffisamment valable et si l’on commence à me regarder, on va voir mes failles, je prendrai peur et je le sentirai de manière persécutrice.

Comment sort-on de cela... Pas par le plaisir partagé car cela ne dure pas, le plaisir est temporaire. Donc, pour les anxieux, il est intolérable d’avoir quelque chose de bon que l’on ne gardera pas. Il y a là, pour les angoissés, quelque chose d’insupportable dans cette perte possible, tandis que l’échec est certain, surtout lorsqu’on se l’inflige. On en souffre mais on maîtrise les choses.

Il y a toujours une détresse à l’arrière plan, mais avec le sentiment de maîtriser les choses par le refus. Ce qui est aléatoire (la réussite, le plaisir) est remplacé par ce que l’on arrive à maîtriser. Lorsque l’on n’arrive pas à maîtriser les choses par sa sécurité interne, on va les maîtriser extérieurement, c’est l’échec, le négatif, qui agira comme une drogue.

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