20/11/2006

Comment nos politiciens se moquent de nous via les statistiques

En fait, voyons ce qu’il en est du hasard, via le calcul des probabilités. C’est très intéressant à faire, car bien des gens de toutes sortes profitent de la crédulité des autres, les ruinant parfois ou leur faisant prendre des décisions de vie fort malencontreuses. Ce ne sera pas à vous que cela arrivera pensez-vous. Sans doute. Quoique… vous n’avez jamais regardé par exemple votre horoscope ? Non, ne rougissez pas : un français sur deux croit aux fantômes, extra terrestres et phénomènes de l’au-delà. C’est étonnant, mais c’est.

Les statistiques sont par définition menteuses. A tel point que les différents organismes de sondage n'hésitent pas, et ils le reconnaissent, à opérer ce qu'ils appellent des corrections dans leur chiffrage. Ainsi tel parti politique extrémiste est assuré d'un certain score aux prochaines élections. Las ! Les gens votant pour ce parti en sont honteux, craignent que leur voisinage le sache, et donnent un autre vote que celui qu'ils veulent opérer. Sans parler de tous ceux donnant n'importe quelle réponse parce qu'ils sont contre ce qu'ils appellent un fichage de la vie privée ou de la manipulation par les médias sur les pensées des gens.

Ainsi les instituts de sondage furent la risée de la population par l'écart de leurs prévisions par rapport à la réalité. Fort heureusement pour eux, le public a la mémoire courte, et le bourrage de crâne aidant, les sondages suivants, tout aussi faux, furent à nouveau vendus aux journaux ou autres acheteurs intéressés (partis politiques ou autres), et abondamment commentés par les chroniqueurs dits spécialisés.

Cependant, si les questions sont souvent orientées, c'est à dire le lecteur du sondage et de son commentaire manipulé, les instituts ont besoin d'un minimum de crédibilité. Ils envoient donc une batterie de sondeurs (mères de famille en mal d'une petite activité, étudiants ayant besoin d'un peu d'argent, chômeurs n'ayant rien trouvé d'autre comme emploi…) auprès des particuliers. Mais pas n'importe quel particulier.

Il faut que la population entière concernée soit touchée : plus de 18 ans pour un vote, les femmes pour un achat de couches pour bébé (à supposer que ce ne sont qu'elles qui les achètent, et on touche là un des tracas du sondeur) par exemple. Il est hors de question de demander à toute la population de s'exprimer dans les sondages, tous ne le voudraient pas, cela coûterait une fortune, et on n'est jamais sûr que la réalité s'exprimerait dans les réponses sur papier. C'est d'ailleurs pourquoi les sondeurs parlent toujours d'une "photographie" de l'état de pensée de la population, et, partant, justifient sans cesse les écarts trop visibles par rapport à la réalité se voyant dans un vote ou un achat de couches pour bébé. Evidemment, dans le cas où miraculeusement ils auraient obtenu un score exact, ils en profitent pour magnifier leur travail à caractère prévisionniste.

Quoiqu'il en soit, ils font des rectifications sur les chiffres obtenus, pour tenir compte de ce qu'ils appellent le biais par rapport à la réalité. Là réside tout l'art du sondeur, tout le mystère, et, en fait, tout l'attrape nigaud de tous ces sondages pondérés à l'aulne du subjectif. Les recettes appliquées sont bidon, sous couvert de programmes informatiques savamment truffés de statistiques, tout simplement parce que derrière la rigoureuse fiabilité de l'ordinateur, les chiffres entrés sont aléatoirement par les hommes, qui font aussi les programmes.

Il est plus facile en fait de prévoir la météo, bien qu'elle nécessite la mise en calcul à l'aide de programmes bien compliqués de millions de données, parce qu'une fois les corrections réalisées là aussi en fonction de l'observation de terrain, la puissance informatique permet de brasser au mieux toutes les données pour offrir un résultat toujours plus fiable, meilleur que le regard du vieux paysan dans les nuages, ou que le respect de tel dicton prévoyant le temps qu'il fera. Il n'en est nullement de même en ce qui concerne les sondages arrangés plus ou moins fortement.

Les réponses des sondés donnent un chiffre de 5 % par exemple pour tel parti extrémiste. Déjà, les sondés représentent-ils vraiment d'une façon fiable la population française ? On peut en douter, étant donné le brassage des mentalités, populations, la disparition de plus en plus rapide des métiers remplacés par d'autres… Puis il faut faire une correction, qui peut aller jusqu'à majorer le résultat par 100 % pour atteindre 10 %. On voit l'ampleur de la différence, même si elle n'est pas toujours aussi considérable. Si de 5 % par exemple, on passe à 6 ; cela fait déjà une grosse augmentation. Mais pourquoi 6, et pas 5,1 ou 5,3 ou 6,2 ou …. ?

En ce qui concerne les statistiques, c'est encore plus amusant de constater combien les autorités concernées se moquent de nous. En dehors du cas du mensonge complet, style le nuage de Tchernobyl qui voit le panneau : frontière française, et s'arrête brusquement (évidemment, personne n'a été sanctionné pour cela), en dehors du cas où les statistiques sont complètement biaisées à la base (pour celles sur la délinquance par exemple, les commissariats peuvent décourager plus ou moins volontairement, plus ou moins sur injonction ou orientation de leur hiérarchie et/ou tutelle politique la prise de plaintes, par augmentation du temps d'attente, mauvais accueil, explication de l'inutilité de porter plainte… tous mensonges arrivant au fait de baisser fortement les chiffres ; en dehors de tout cela, déjà fort important, restent bien des moyens de se moquer du public.

Ainsi des chiffres peuvent paraître prodigieux, comme une augmentation par exemple de l'investissement français de 30 %, en oubliant de dire qu'il avait diminué de 40 % l'année précédente ; ou son augmentation dans tel pays concerné de 300 %, mais sans révéler qu'il était pratiquement nul auparavant, et que même ainsi il est inférieur du dixième à celui de n'importe quel autre pays. Ces exemples sont légion, et font dire qu'on peut tirer n'importe quoi de statistiques, et c'est en partie vrai, surtout dans une joute oratoire qu'on appelle débat télévisé, où les participants sortent de leur poche des chiffres invérifiables sur le moment (mais seul l'instantané compte, divulgué à des millions de téléspectateurs, alors que son éventuel démenti ne sera lu dans un journal plus ou moins obscur que par quelques dizaines de milliers de lecteurs au mieux.

Et toutes les statistiques sont ainsi. Pour rester au domaine de la criminalité, on donne une augmentation de 12 % par exemple sur cinq ans, en n'y incluant que ce qu'on appelle la petite criminalité : vols de portables à l'arraché, cambriolages… alors que celle dite de sang est en recul de 20 % (tous ces chiffres ici sont inventés, mais parfaitement vraisemblables quant à leur variation selon ce qu'on y fait entrer, ne sont là que pour étayer et faire comprendre le récit).

Evidemment, si on mélange tout, ce qui est fréquemment le cas, on obtiendra encore un nouveau chiffre, et ainsi de suite, tous chiffrages différents selon ce qu'on y inclut ou non, selon surtout le désir de prouver telle ou telle chose de celui qui les assène.

On voit que, là comme ailleurs, le mensonge est omniprésent, ne serait-ce que par omission. Quelques organismes sont là pour rectifier le tir, mais ont peu de moyens financiers, peu d'indépendance politique, et encore plus : peu de résonance dans le public, car autant un chiffre choc fait le bonheur des conversations de café entre amis, autant un enseignement sur son bien fondé est rébarbatif à plus d'un !

Mais ce n'est pas tout. Les chiffres peuvent être exacts, comme leur présentation, mais le manque de recul ou de compréhension à leur égard, peut tout fausser dans l'esprit du téléspectateur endormi notamment, ce qui est la règle générale. Entre deux plats à l'heure du dîner, le journal du soir s'entend plus qu'il ne s'écoute, mais entre cependant profondément dans les esprits. Les politiques le savent bien. Ainsi V Giscard d'Estaing dans les années 70 parlait de la diminution du chômage, alors en fait en pleine croissance.

En effet, le chômage allait de sommet en sommet. Il aurait pu aussi bien parler de l'inflation, ç'aurait été pareil. Pourtant il ne mentait pas. Car il fallait bien écouter pour comprendre de quoi il parlait. Il ne parlait pas en fait de la diminution du chômage, mais de la diminution de la hausse de sa courbe. Vous avez compris ? En clair, le chômage progressait à une allure de 30 % par exemple par an, allant de 7 % à 9,1 % (2,1 / 7 = 30 % d'augmentation). Mais voilà, cette année, il a augmenté à 10 % "seulement", soit une augmentation de 0,9 / 9,1 = 0,9 %, donc, CQFD, une augmentation moindre, ce qu'on peut hâtivement appeler une baisse de la courbe d'augmentation !

Qu'importe que le chômage continue à augmenter, pauvres politiciens incapables de faire mieux que cela. Qu'importe que toute augmentation, que ce soit de chiffre d'affaires, de vente de sous vêtements, d'augmentation de chiffre d'affaire, de bénéfices, hors quelques cas bien ciblés, présente toujours et très vite un aplanissement des courbes, notamment d'augmentation. Cela aurait fait de l'ombre à notre politicien que de l'expliquer. Evidemment, il ne fallait nullement compter sur le journaliste présent sur la chaîne pour l'expliquer, même brièvement, ou soulever le problème. En dehors du fait qu'il fallait qu'il le comprenne, et sache le vulgariser, ce n'est nullement dans l'intention des chaînes publiques ou privées que de donner de l'exacte information. Oui à l'immédiateté, à l'effet choc, au poids des mots ; qu'importe leur profondeur, leur pertinence.

Ainsi vous voyez comment, constamment, et parfois contre la volonté même de celui vous donnant les chiffres, ceux-ce peuvent vous induire en erreur, plus ou moins fortement. Mais vous avez déjà vu un politicien ou brillant expert vous expliquer cela ? Oui, sur arté, chaîne oh combien rébarbative le plus souvent, regardée par bien peu de gens.

Aucun commentaire: