20/11/2006

La guerre en Tchétchénie : un génocide de plus, dans le silence international

Intérêts économiques et diplomatiques ont progressivement fait taire les critiques des dirigeants occidentaux. Vladimir Poutine a su monnayer son soutien à la "guerre contre le terrorisme" lancée par Washington après le 11 septembre 2001.

Des bases militaires américaines sont déployées en Asie centrale et un "partenariat pétrolier" se noue entre Moscou et Washington. L'Union européenne a également décidé de passer sous silence les crimes de guerre commis dans le Caucase du Nord.

Les Européens ont donné la priorité à des projets d'importations de gaz russe, ou à la résolution de la question de Kaliningrad. Lors de la bataille diplomatique à l'ONU sur l'Irak, Américains et Français se sont plus que jamais abstenus d'évoquer la situation en Tchétchénie, dans leur souci de rallier, ou conserver, un soutien russe.Le glissement rhétorique des Occidentaux, classant le conflit tchétchène dont les origines sont séparatistes (indépendance autoproclamée en 1991) dans la seule "lutte contre le terrorisme international", s'est fait par à coups, au gré des besoins de rapprochement avec le Kremlin. Il a aussi accompagné la dérive islamiste de certains groupes tchétchènes.

Les contorsions sur le dossier tchétchène ont parfois donné lieu à des moments de gêne, car la réalité du terrain (tortures, exécutions sommaires, milliers de disparitions, escadrons de la mort) est documentée. "Je vous en prie, ne nous créez pas de problème avec la Tchétchénie !", supplie le haut-représentant européen, Javier Solana, devant une journaliste occidentale, en large d'un sommet UE-Russie à Moscou, en mai 2002. "La Tchétchénie ? Une verrue purulente sur les flancs sud de la Russie... Mais ne me citez pas", glissait un diplomate de grand pays européen, à Moscou.

Les doutes sur l'origine des explosions d'immeubles de 1999, à Moscou et Volgodonsk, attribués par le Kremlin aux Tchétchènes et qui précédèrent le déclenchement de la guerre, sont répandus. "L'ensemble de la classe diplomatique occidentale à Moscou est convaincue que les services russes sont impliqués dans ces attentats", déclarait un haut responsable américain, en 2002.
L'hypocrisie des chancelleries est à la mesure du simulacre de "processus politique" annoncé par Moscou qui, après le référendum du mois de mars, a entrepris de faire "élire" président M. Kadyrov, dans un climat de terreur en Tchétchénie. Le conflit présente au contraire des signes de radicalisation, et a débouché en 2003 sur une vague d'attentats suicides en Russie.

Lors du sommet UE-Russie de Saint-Petersbourg, en mai, les Européens avaient "exprimé l'espoir" que "le processus politique récemment entamé mène au rétablissement de l'état de droit". Pendant les opérations américaines en Afghanistan, en 2001, un amalgame a été fait. Des volontaires musulmans venus de l'ex-URSS pour se joindre aux talibans étaient en bloc qualifiés de "Tchétchènes" par l'Alliance du Nord liée aux militaires russe. S'agissant du conflit en Irak, le premier ministre britannique, Tony Blair, a déclaré que des terroristes "tchétchènes" étaient sur place, sans qu'aucun élément ne vienne corroborer à ce jour ces propos.

Le discours de Moscou assimilant la problématique tchétchène à celle d'Al-Qaida a pris le dessus. Aucune sanction internationale n'a frappée la Russie pour le comportement de ses troupes dans le Caucase, sur une période de neuf années. "La guerre interminable en Tchétchénie provoque non seulement de terribles pertes en vie humaine, mais ronge gravement la démocratie en Russie", estimait pourtant l'ambassadeur américain à Moscou.

La notion d'ingérence, telle qu'elle fut formulée par les Occidentaux pour le Kosovo (où les milices de Slobodan Milosevic ont tué 11 000 civils kosovars, selon les estimations du Tribunal pénal international), a toujours été écartée pour la Tchétchénie. Les pertes humaines, estimées à entre 50 000 et 100 000 morts pour une population d'un million d'habitants en 1989, sont plus lourdes et continuent d'augmenter.

Le candidat du Kremlin M. Kadyrov pour l'élection présidentielle du 5 octobre 2003 en Tchétchénie - dont les hommes armés tuent et rackettent sans relâche les habitants - a été reçu au siège des Nations unies par une responsable des questions humanitaires.Pendant que M. Kadyrov assurait qu'aucun réfugié tchétchène ne serait contraint par la force de rentrer dans la République en guerre, des centaines de familles tchétchènes étaient expulsées manu militari d'un camp de tentes en Ingouchie.

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