L’hérésie des très très hauts salaires
En France, l'ancien PDG d'Alstom, Pierre Bilger, a été contraint par la pression médiatique et judiciaire de restituer les 5,2 millions d'euros d'indemnités de départ, après la découverte de la quasi faillite de son groupe. Et le débat se poursuit avec la dispute autour des 20,6 millions d'euros d'indemnités réclamées à Vivendi Universal par Jean-Marie Messier, son ancien PDG.
La bulle boursière a éclaté et les scandales, faillites frauduleuses, corruption dans les établissements financiers, et autres malversations à la tête de sociétés cotées, sont apparus au grand jour. Salariés, actionnaires, clients ont le sentiment de payer le prix de cette croissance falsifiée. Tous... sauf les patrons. Car dans le même temps, les dirigeants ont continué à bénéficier d'augmentations substantielles. Les comités de rémunérations ont juste changé les critères des bonus. Auparavant, ils étaient indexés sur la croissance et le cours de Bourse, ils le sont désormais sur les cessions et le désendettement.
En 2002, selon Standard & Poor's, les quinze premiers dirigeants les mieux payés aux Etats-Unis ont encore gagné en moyenne 35,8 millions de dollars sous forme de salaires, bonus, primes, avantages en nature et stock-options exercées. En France, les vingt premiers dirigeants les mieux payés ont bénéficié en moyenne d'une augmentation de 20,75 % l'an dernier, malgré l'effondrement des cours et de certains résultats.
Le décalage avec le reste de la population, en tout cas, ne cesse de s'élargir. Depuis 1980, le salaire moyen des ouvriers aux Etats-Unis a augmenté de 66 % et dans le même temps les rémunérations des patrons de 1996 %. En 1980, outre-Atlantique, le salaire moyen d'un PDG était 42 fois celui d'un ouvrier moyen, en 1990 l'écart est passé à 85 fois, et 531 fois en 2000 ! En France, selon le cabinet Proxinvest, en 2001, 39 des principaux PDG touchaient en moyenne une rémunération (salaire plus bonus et stock-options) de 7,4 millions d'euros, soit l'équivalent de 554 fois le SMIC.
Dans le même temps, les épargnants perdent des milliards, les licenciements se comptent par centaines de milliers, et la rentabilité des entreprises est faible. Ces gens ne sont pas des entrepreneurs, ils dirigent des sociétés, c'est tout. Si vous entreprenez, créez et prenez des risques, vous pouvez mériter la richesse. Mais si vous êtes un employé et dirigez ce que votre prédécesseur vous a laissé, il doit y avoir des limites à ce que vous pouvez gagner.
La loi en France oblige la publication des rémunérations précises des principaux dirigeants et mandataires sociaux, plus du quart des sociétés cotées au premier marché ne respectent pas les textes, sans qu'ils soient apparemment inquiétés. Les conseils d'administration, trop souvent composés d'amis ou d'obligés, n'ont pas rempli leur rôle, étant au cœur de conflit d'intérêt.
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