17/01/2007

Transes et autres rapports aux Dieux

Entrer en transe est un phénomène commun à pratiquement toutes les cultures de la planète, et de tout temps. Les modalités changent évidemment selon le lieu, mais le principe reste le même : on ne « s’appartient plus », les esprits (ou Dieu, ou les dieux) rentrent dans votre corps et votre cerveau, et vous n’êtes plus maître de vos agissements. La première fois qu’on assiste à cela, ce peut être impressionnant. Les fidèles, ou sorciers, ou damnés... agitent leur corps de soubresauts brusques et vifs, à tel point que d’autres personnes veillent sur eux afin qu’ils ne se fassent pas de mal. Souvent des sacrifices ont lieu, ceux entrant en transes se flagellant avec divers objets : couteaux, masses piquantes hérissées de clous, épines..., cordes, haches... se tailladant, se perforant joue, nez, langue... à l’aide de grands clous effilés ou autres objets. Dans certains endroits, ils sont cloués à une croix tout comme le Christ, reviviscence de son sacrifice suprême.

L’amusant est que les protagonistes ne se rendent plus compte de ce qu’ils font, mais le font tout de même en respectant strictement la codification de la culture ou cérémonie du lieu. Si l’usage veut qu’on s’agite par terre, ce sera le cas ; ou sinon en esquissant une danse, un circuit autour des cases, ou tout autre habitude. Ou il faut croire que l’esprit ou le dieu respectent cela à leur place.

Les épreuves traversées sont possiblement très diverses, car il s’agit d’expier le péché collectif, de se transcender par la souffrance. Marcher sur des braises est courant, ou se précipiter d’une grande hauteur attaché par les pieds (corde non élastique)... je n’en finirai pas de donner toutes les possibilités, que du reste je suis loin de connaître toutes.

On peut rapprocher ces comportements de celui des jeunes (ou moins jeunes) se livrant à la débauche de l’alcool, ou/et autre drogue : marihuana, ectasy, cocaïne... dans le seul but de perdre contact avec la réalité, leur réalité surtout, qui leur est insupportable. Une version plus douce consiste en ces nuits de longue danse techno par exemple, vibrations et agitation corporelle au bruit fort de la musique, pouvant se prolonger sur plusieurs jours, danseurs aidés quelques fois en leur sorte de transe avec une drogue quelconque.

Le point commun de toutes ces personnes est de se sentir importants, exceptionnels, quant bien même diraient-ils qu’ils n’ont aucun mérite, que ce sont les dieux par exemple qui les ont choisi. Oui : mais ce sont EUX qui ont été choisis, pas un autre.

Cela se vérifie encore une fois dans des versions plus douces, comme des sports extrêmes, la sensation d’exister pleinement, d’être à une place que personne ou peu de gens ont eu, de risquer leur vie.
Enfin, le même phénomène a lieu lors de scarifications qui ne sont pas réservées aux peuples archaïques, mais aussi à nos jeunes des pays développés, qui à l’occasion, subliment leur mal être en se perçant le corps à l’aide de boucles d’oreilles rondes ou droites, s’implantent sous l’épiderme divers matériaux bourrelant leur surface corporelle, se tatouant la peau simplement à l’encre, mais aussi au fer rouge ou à l’arc électrique, ou enfin se crevant la langue ou en coupant le bout en deux bords séparés.

Ils vous disent trouver cela beau, pourquoi pas, mais en porteront souvent les stigmates toute leur vie, et risqueront fort de s’en plaindre amèrement par la suite. En fait, il s’agit toujours de la même chose : se sentir exceptionnel, réagir contre la société, en bravant les rites et usages – ceci dans nos pays développés, car c’est exactement l’inverse des autres cultures où il s’agit de faire davantage partie du lot, d’en être les suprêmes représentants. Ces personnes n’ont guère de personnalité structurée, ont trouvé ce moyen de s’affirmer, contrant la souffrance, les interdits, le regard d’autrui, se regroupant souvent en petites communautés identiques.

Lorsqu’il s’agit de nos jeunes, cela montre le courage et la détermination dont ils peuvent faire preuve afin de s’affirmer, trouver une place.

De manière plus générale incluant tous les lieux et cultures pratiquant ces rites fort divers (mais parfaitement équivalents quant à leur but), cela indique la même chose. L’être humain a bien des difficultés à trouver sa place dans l’univers, dans la nature qu’il domine et qui le domine (maladie, mort, tout ce qu’il ne comprend pas), et préfère s’adonner à des rites bizarres, durs à vivre, plutôt que de s’attaquer à la réalité de l’existence, à l’affronter sans artifice, dans la solidarité humaine, ce qui est loin d’être le cas.

C’est pourquoi nations civilisées et dites primaires se rejoignent dans le même néant comportemental face à l’inconnu, recourant à des artifices comportementaux n’amenant rien d’autre que de la poudre aux yeux, propre seulement à oublier la solitude humaine, et l’inanité de la civilisation actuelle notamment, quant à ses buts faits d’argent, de pouvoir, d’écrasement du plus faible.

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