24/01/2007

La vie dans les cités : la loi n’y entre pas, le meilleur de l’être humain non plus

Patricia, 14 ans, servait d'objet sexuel aux garçons de son collège et de sa cité, à Vigneux-sur-Seine (Essonne). devant pratiquer des fellations, chez elle une première fois puis à de multiples reprises dans une cave de la cité de la Croix-Blanche, et à une reprise d'actes de sodomie, d'août à décembre 2000. A une occasion, l'une de ses copines du collège a été entraînée avec elle et a subi le même sort.

Onze de ces individus en détention provisoire depuis leur interpellation, entre novembre 2001 et avril 2002, comparaissent pour viols en réunion devant la cour d'assises des mineurs de l'Essonne, à Evry. Sept mineurs de moins de 16 ans, également impliqués dans cette affaire de tournante, seront jugés par le tribunal pour enfants, fin novembre.

Patricia est complètement fermée et a beaucoup de mal à parler. Traumatisée et menacée, l'adolescente a été placée chez ses grands-parents, dans le sud de la France. Elle a tenté de se suicider, en novembre 2001, avant d'être hospitalisée dans un service psychiatrique puis placée dans un foyer pour jeunes en difficulté. Elle était revenue chez ses parents, qui avaient dû quitter la Croix-Blanche, tout en essayant de reprendre sa scolarité quand son père s'est suicidé, cet été. Il a laissé une cassette dans laquelle on comprend à demi-mots qu'il n'a pas su faire face et qu'il s'en voulait. Il se faisait le reproche de n'avoir pas vu que sa fille subissait des violences sexuelles à répétition à quelques mètres de chez elle et que leurs auteurs la faisaient passer pour la salope du quartier. L'un de ses agresseurs lui avait même fait croire qu'il avait pris des photos pour les montrer à son père.

La cave où les adolescents entraînaient de force la collégienne était devenue le lieu de rendez-vous où ils venaient assouvir leurs pulsions sexuelles, parfois plusieurs fois par semaine. Sur les murs, figuraient des inscriptions sans équivoque sur l'utilisation des lieux : « la cave des putes, toutes les salopes nous sucent ». D'après le témoignage d'un adolescent, une file d'attente d'une vingtaine de garçons se formait certains jours devant la cave, chacun passant à tour de rôle, voire plusieurs fois au cours d'une même après-midi.

A force de circuler à l'intérieur de la cité et du collège, la rumeur a fini par parvenir à la police. En avril 2001, deux écolières sont venues tout raconter. Convoquée début mai, Patricia a d'abord nié avant de se représenter d'elle-même au poste de police, en juillet. Souvent, les affaires de tournante ne vont pas jusqu'au bout parce que les victimes reviennent sur leurs déclarations à cause des menaces qu'elles subissent. Mais là, elle a tenu le coup, se félicite un enquêteur.

De leur côté, les adolescents interpellés ont presque tous avoué sans vraiment prendre conscience de la gravité de leurs actes et en essayant de faire croire que la jeune fille était consentante. Pour eux, elle était d'accord et c'était normal. Leur discours se résumait à : tout le monde le faisait, alors pourquoi pas nous ? On a l'impression qu'ils sont convaincus que les filles doivent tout accepter dès l'instant qu'il s'agit d'assouvir leurs pulsions sexuelles.
Sur les onze adolescents jugés, trois continuent à nier les faits. A l'approche du procès, certains ont exprimé un début de prise de conscience.

On peut expliquer ces comportements peur être par l'omniprésence du sexe dans la communication, en particulier publicitaire, où l'on a rarement compté autant de jeunes femmes au bord de l'orgasme vantant les mérites d'une voiture ou d'une cuisinière. Au siècle où les religions prennent une part si importante pour l’identité de tant de gens jeunes ou pas pour se trouver un but dans la vie, hors de cette société, de toutes ces sociétés ne vivant que par et pour l’argent, les femmes, dans certains quartiers, ne peuvent porter d’étiquettes que de pute ou de pieuse. Quand elles ont des rapports sexuels, c'est souvent un rapport anal, pour garder la virginité. C’est hallucinant, mais c’est comme ça. Nul désir ici de condamner la sodomie, puisqu’elle est le libre choix de chacun. Mais ici, est-ce vraiment un choix ?

Le pire dans tout cela est que ces garçons, ces jeunes hommes, ces hommes, ne se rendent pas compte de l’ampleur de leur mauvais comportement, et c’est un euphémisme. J’en veux pour preuve, preuve hideuse, l’exemple suivant.

Vous vous souvenez sans doute de cette jeune Sohane brûlée vive dans son quartier. Qu’importe la raison, on en est plus à ce point de compréhension. Dans son quartier, elle n'avait pas d'arrière, elle n'avait que sa grande sœur : elle n'avait personne pour la protéger. Et comme, en plus, elle était une étrangère à la cité..." Sohane habitait la cité Bourgogne, c'est vrai. A deux pas de la cité Balzac. Quand on a fait la marche silencieuse pour Sohane, raconte Sandra, les télévisions étaient là. Tout le monde a vu les filles et les garçons qui défilaient. Mais personne n'a dit que, parmi les garçons qui participaient à la marche, il n'y en avait pas un seul de la cité Balzac, là où Sohane est morte. Parce que ceux de Balzac, ils étaient solidaires du gars qui a tué Sohane. Ils nous l'ont dit quand on a été les voir pour la marche. Ils nous ont dit qu'ils étaient du côté de leur copain ».

De fait, là où cette malheureuse jeune femme s’est sanctifiée à la Jeanne d’Arc, sans jeu de mot, des inscriptions de gens du quartier ont fleuri. Que croyez-vous qu’elles expriment ? Un soutien au meurtrier par ses petits copains, contre la pute Sohanne. Je suppose que, toute haine mise à part, si cela vous est possible, vous comprenez parfaitement l’ampleur du problème, de leur problème, de notre problème. Ce n’est pas la prison qui pourra seule corriger toute une mentalité passant totalement à coté du plus simple respect de l’autre, lui déniant le droit à son existence. Alors pourquoi ne pas le tuer, la tuer, puisqu’il, puisqu’elle n’a aucune valeur à leurs yeux.

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