07/03/2007

L’utilité passée et peut être future du service militaire

J’ai tendance à évoquer un sévice militaire plutôt qu’un service militaire pour ce qu’il fut pour moi, et pour tant d’autres hélas. Il s’agissait de vous voler une année entière de votre vie, de votre jeunesse, en vous payant juste de quoi rembourser vos frais de train pour rentrer de temps en temps chez vous, et encore.

Ce service obligatoire fut parfaitement le reflet des inégalités flagrantes et absurdes de notre société. Mais pas forcément qu’issues des privilèges de naissance, culture, diplômes et autres positions sociales. Selon la région, l’officier devant lequel on passait, l’abondance des recrues du moment, on pouvait être dispensé du devoir en disant simplement qu’on ne désirait pas le faire, ou au contraire y être obligé alors qu’on était chargé de famille, ou autre obligation.

Le premier soin qu’on vous donnait était de presque raser vos cheveux, au point de voir le cuir chevelu. Ce n’était pas tant par mesure d’hygiène, mais pour s’assurer de votre obéissance, du premier pas pour faire de vous de la bonne chair à canon, comme la grande guerre 14/18 aimait à en manger, aux ordres débiles des officiers ne valant pas mieux (voir le siège du chemin des dames par exemple), envoyant à la mort certaine et inutile des milliers de recrues. C’étaient des criminels de fait, jamais jugés, souvent glorifiés.

Les deux premiers mois étaient appelés «les classes», utilisées pour constater votre endurance, servilité, pour casser toutes les fortes têtes, quitte à les envoyer au mitard (prison militaire). Les vexations étaient quotidiennes, injustes le plus souvent, au bon vouloir du gradé à qui on devait totale obéissance. Et encore la France est un pays de droit, relatif.

Les jeunes étaient insultés (fiente de lapin par exemple), tirés par leur boucle d’oreille s’ils se permettaient d’en mettre une, punis à rester à la caserne plutôt que de retourner chez eux, à des taches stupides, comme celle bien connue de nettoyer et re-nettoyer sans cesse des fusils déjà parfaitement propres, là aussi pour le plaisir de vous briser toute conscience de votre qualité d’être humain aimable et respectable, et pour conforter le sadisme éventuel de vos supérieurs militaires s’en donnant à cœur joie.

C’est ce qu’on appelait devenir un homme, c’est à dire : apprendre à voler, mentir, devenir violent, saoul, et bien sûr apprendre à tuer d’autres êtres humains, en toute légalité lors d’une guerre. Pour cela, il fallait inscrire dans votre tête que votre unité était la meilleure, et toutes les autres des bâtardes, propres à être annihilées si possible, prémisse pour haïr l’ennemi qui somme toute est un être humain comme vous.

Cette «formation» d’une année, accompagnée du secret militaire, opposable sans limite aux tribunaux civils, a permis à des milliers de jeunes de torturer en Algérie par exemple, sans que personne n’ait à y redire durant des dizaines d’années, et encore maintenant, puisque personne n’a été jugé pour ces faits d’assassins.

Vos copains de chambrée vous volaient vos vêtements pour les vendre, les utiliser à la campagne, dans les travaux des champs, pour la chasse, en souvenir. C’est vous qui serez puni si vous ne les récupériez pas en les volant à d’autres, puisque le voleur ne se dénonce pas évidemment. Mentir, ça va avec.

L’armée, aberration, vous offre régulièrement des paquets de cigarettes, c’est dommage de ne pas en profiter. D’autre part, les jeunes s’ennuyaient tant qu’ils se mettaient souvent ainsi à fumer. Boire, c’est également pour vous occuper. Devenir violent, c’est pour compenser l’isolement loin de votre famille, les humiliations permanentes de ces supérieurs militaires contre qui vous étiez totalement impuissants. Voilà encore une fois ce qu’on appelait devenir un homme à l’armée !

Et encore je n’étais pas parmi les plus mal lotis. Après les classes, une fois que vous aviez compris le fonctionnement de cette institution propre à ne rien vous apprendre de réel ni de constructif, vous deviez attendre la fin des douze mois de vol de votre vie, sans aucun intérêt de vivre cela. Certains, rares, pouvaient apprendre un métier, d’autres avoir des amitiés, dont ils parleraient fièrement tout le restant de leur vie, partager des conditions de vie humiliante soudant souvent des relations.

François Mitterrand à fait cesser cette institution débile, avilissante et inutile. Pourtant, il serait peut être nécessaire de la recréer, autrement. Tous ces jeunes issus de l’immigration, des banlieues difficiles, n’ayant jamais respecté rien ni personne pourraient trouver une bonne ligne de conduite, en commençant à apprendre à obéir. Déjà, connaître les règles de base de la vie normale en société.

Mais peut-être suis-je bien ringard à imaginer un tel service qui serait de caractère civil, et respecterait l’humain dès lors qu’il respecterait les autres. Beaucoup de travail en perspective.

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