14/12/2006

Les raisons du vote Le Pen

C’est avant tout un vote d’exaspération, de ras le bol contre la corruption ambiante du système politique français, de la dureté augmentant de la vie économique notamment, mais aussi sociale.

La première alternance de 1981 après vingt ans gouvernés par la droite a suscité un immense espoir avec François Mitterrand. Quelques réformes bienvenues mais mal gérées furent votées, comme le RMI (on aurait pu insister sur l’obligation de chercher un travail), la sécurité sociale pour tous, les restructurations (même si elles ont laissé sur le carreau des dizaines de milliers de travailleurs).. Puis, une fois l’homme tombé après 14 ans de législature, les misères judiciaires firent leur apparition tout autour du personnage, dès la fin de son mandat. Beaucoup de ses proches furent rattrapés par la justice, et bien des affaires louches laissées dans l’ombre. Exit l’homme providentiel, bienvenue l’homme corrompu comme les autres. Il s’est même permis de mentir sur son état de santé, produisant de faux certificats alors qu’il avait son cancer.

Les multiples responsables petits et grands du parti socialiste mis en examen ne furent jamais exclus de ce parti, montrant qu’il était considéré comme normal d’être condamné par la justice française tout en continuant à exercer un mandat de représentation (maire, député, conseiller général...) de la nation. En fait, tous ces gens corrompus auraient dû passer à la trappe de l’histoire, amener ainsi du sang neuf au niveau de nos représentants, et surtout, surtout, un sang propre, en espérant que cela soit possible.

Rien de tout cela ne s’est passé, exacerbant l’ire des français, qui avaient voulu entre autres se débarrasser de toute cette lie politique avec l’alternance. Le parti communiste étant moribond, le vote protestataire passa du coté de l’extrême droite, faisant passer le parti de M Le Pen des quelques pour cents dans lesquels il avait longuement végété à 17 % des votes exprimés, faisant chuter M Jospin aux dernières élections, permettant hélas par la suite à M Chirac de les remporter finalement avec un score digne des républiques bananières.

M Le pen dispose de plusieurs avantages sur ses adversaires :
1) Tout d’abord, il ne manie pas trop la langue de bois : 3 millions d’immigrés, 3 millions de chômeurs : équation facile : virons les immigrés, nous n’aurons plus de chômeurs ! Trop facile, populiste, irraisonné. Nous avons besoin des immigrés, sang neuf, culture pas toujours mauvaise, boulots souvent refusés par les français de souche. Mais il a eu le mérite de parler de ce qui fâche : les immigrés, et surtout leurs enfants totalement déracinés entre deux cultures, rejetés de toutes parts, et donc rejetant la culture et société française. D’où les horreurs qu’on voit en banlieue actuellement, faisant le lit de l’extrémisme, de la violence, de l’acculturation. C’était une époque où on ne pouvait dire le mot « immigré » sans être taxé de racisme, dérive dangereuse, imbécile, empêchant de mettre les problèmes à jour, permettant entre autres aux petites frappes de banlieue de crier au racisme à la moindre interpellation policière, faisant insulter les représentants de l’ordre français.

2 ) il est rejeté par tous, et comme dans la population française circule de plus en plus l’adage : tous pourris, il apparaît forcément moins pourri que les autres, puisque aucun politicien (pourri par définition) n’en veut !

3 ) ses adversaires lui ont interdit de fait d’avoir des représentants à l’assemblée nationale notamment, en changeant les découpes administratives électorales (on change ainsi la possibilité d’avoir des représentants de tel ou tel bord politique). C’est à dire que depuis vingt ans, un seul député du front national a existé. Partant, aucune loi n’a pu être votée ni même proposée par leur entremise, et ils n’ont donc aucun compte politique à présenter à la nation française.

Il en fut différemment pour les mairies où l’extrême droite a remporté quelques villes, pour les perdre très rapidement devant leur gestion calamiteuse, lorsqu’elle ne fut pas corrompue (ville d’Orange par exemple). Mais ce nombre de mairies fut très faible, insuffisant pour dégoûter les français de l’expérience.
Le fait d’interdire à 20 % des français votant pour l’extrême droite d’avoir des représentants politiques exacerbe encore les rancœurs, frustrations, sentiment d’être floué : le « tous pourris » a encore de beaux jours à vivre !

Mais M Le Pen a également quelques inconvénients :
1 ) les médias le boycottent, et pire, présentent une violente diatribe contre lui. Il ne fut qu’à constater la campagne anti-démocratique qui eut lieu entre les deux tours de l’élection présidentielle 2002, où le personnage fut vilipendé par l’ensemble des télévisions, journaux... interdit de parution, où J Chirac refusa de débattre avec lui comme la tradition le lui ordonnait pourtant. La démocratie n’en sortit certes pas victorieuse, surtout pour donner un score de 80 % à M Chirac, et voir ensuite ce qu’il en fit d’infiniment triste, privilégiant outrageusement la classe aisée de la France, diminuant les impôts directs pour augmenter sans arrêt ceux indirects et passer les charges aux régions sans leur donner les ressources correspondantes.

2 ) en fait, ses désavantages sont aussi ses avantages (voir plus haut). La solution au problème serait de laisser la démocratie s’exprimer, punir les délinquants en col blanc de façon conséquente, à commencer par les plus indignes d’entre eux : beaucoup du personnel politique. C’est aux français de voter, c’est à eux de choisir ce qu’ils considèrent mériter. On ne peut pas dire que depuis des dizaines d’années ils aient fait le bon choix : il n’est qu’à voir les Sans Domicile Fixe dormir dehors et manger dans les poubelles pour le constater amèrement !

En conclusion, je dirais que le vote en faveur de M Le Pen n’a aucune raison de baisser, tant nos politiciens et hommes d’affaires véreux se considèrent et sont de fait au dessus des lois qu’ils concoctent eux-mêmes en leur faveur. Ce n’est guère que lorsqu’ils voient le gâteau français risquer de leur échapper lors d’une élection qu’ils clament leur amour de la démocratie, qu’ils se complaisent tout le reste du temps à bafouer amplement. Ce ne sont que lorsque les français de base manifesteront clairement qu’ils en assez de cet état de faits que le changement en profondeur sera possible. Car les corruptions, malversations, malhonnêtetés ne sont pas que l’apanage des femmes et des hommes politiques nous représentant, mais de beaucoup de français, petits et grands. Il s’agit d’un phénomène de gangrène se propageant de proche en proche : celui volant un stylo ou dix minutes à son entreprise ne dit rien contre son responsable qui en fait autant et davantage, et on en arrive à une malhonnêteté généralisée.

Un seul exemple : imagine t-on, comme dans le modèle assez bon de démocratie scandinave, que nos députés produisent des notes de frais précises ? ou cessent de vivre comme des princes aux frais du contribuable ? Est-il vraiment besoin d’avoir des grands chefs pour préparer la nourriture de ces politiciens lorsque les français mangent souvent des brouets infâmes au sein de leur entreprise par exemple ?

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