04/02/2007

L’extraordinaire puissance de la grande distribution

Vous savez ce qu’est la démarque inconnue ? Il s’agit de l’ensemble des vols opérés dans les magasins, ainsi pudiquement nommés. Cela représente 1 à 2 % du chiffre d’affaires. Tous ces petits voleurs se font souvent arrêter, ont de plus en plus de mal à opérer avec les systèmes antivols de plus en plus sophistiqués, et risquent opprobre publique, amende et prison s’ils sont pris, surtout récidivistes.

Mais il en est que la loi n’atteint pratiquement jamais, oeuvrant en toute impunité aux yeux de tous pourtant : ce sont précisément ces grandes chaînes. Leurs bénéfices sont colossaux, permettant par exemple au groupe Carrefour d’ouvrir une centaine de nouveaux hypermarchés par année dans le monde, les rentabilisant au plus tard dans les trois ans : c’est dire la puissance de telles entités. Imaginez-vous acheter un logement tous les trois ans ? Ou cent par an ?

Voici leurs principales sources de bénéfices :

1 ) Les marchandises vendues
Fruits vendus à moitié pourris, ou pourrissant rapidement une fois achetés, ou au contraire si durs que vous devrez attendre une semaine chez vous pour qu’ils maturent enfin. Lumières spéciales colorées destinées à les rendre plus beaux, mûrs, donc mensongères. Objets vendus cassant très rapidement : les magasins ne font aucun test avant de les vendre, se contentant d’en tirer le maximum de gains.

Vous pouvez certes rendre un objet ne vous plaisant pas, dans un délai court, avec votre ticket de caisse, dans son emballage d’origine : beaucoup de conditions qui font qu’ils ont en fait peu de retour. En plus il faut longuement faire la queue. Ceci est fait exprès pour vous décourager au mieux possible de venir rendre une marchandise.

2 ) La manière de vendre
Vous l’avez remarqué : les rayons changent sans arrêt de place. Ceci n’est pas dû à une nouvelle organisation de vente, mais à une politique délibérée pour désorienter le client dans le magasin. Vous êtes venu acheter un paquet de sucre, mais vous devrez passer un peu partout pour le trouver. Ainsi vous regarderez partout, serez tenté par l’achat de tel produit que vous ne vouliez aucunement acheter primitivement.

Promotions constantes et bidon sont là pour vous attirer. Regardez bien ces fameux prix d’appel : souvent en fait leur prix est supérieur à celui normal, pour le même produit, mais dans un autre conditionnement. Ici : trois boites de machin pour 6 euros. Là, une seule boite de machin pour 2,5 €. Donc, forcément, vous y gagnez. Mais non, car le poids n’est pas le même. Parfois, dans les trois boites, on vous vend un assortiment dont vous n’avez rien à faire, pour vous faire goûter de force un autre plat, sans que vous ne le voyiez trop.

3 ) Le non respect de la loi sur l’étiquetage
Normalement, tout doit être étiqueté : prix indiqué par produit, et par kilo ou litre : c’est la loi. Si vous regardez bien, c’est très souvent n’importe quoi! Une étude récente a montré que 8 à 10 % des produits affichés l’étaient à un mauvais prix, mais pas forcément au détriment du consommateur. En fait, l’objectif du magasin est d’une part de faire des économies en procédant le plus rapidement possible à l’étiquetage ; mais plus encore, à ne pas permettre au consommateur de faire une réelle comparaison des produits.

C’est ainsi qu’une grosse boite de truc s’affichera moins cher au kilo qu’une petite boite, mais les prix indiqués au kilo sont faux ! C’est très souvent le cas. Et c’est voulu. Pas forcément par la personne calculant le prix, ce n’est qu’un pion dans l’histoire. Mais le magasin, lui, sait parfaitement le peu de compétence et/ou de temps de son salarié pour opérer le calcul, en est bien aise. Plus l’acheteur se fait gruger, mieux l’argent rentre dans les caisses.

4 ) L’exercice de leur toute puissance à l’égard de leurs fournisseurs :
a ) par tout ce qu’ils leur demandent
Les marges arrière, les têtes de gondole, la publicité dans les catalogues... Les fournisseurs payent pour tout : être référencé, c’est à dire tout simplement pouvoir être vendu dans la grande surface concernée. Pour être mis dans le catalogue publicitaire du magasin, ils doivent baisser leur prix, payer une partie de l’édition.

Pour que leurs produits soient mis en valeur en tête de rayon, avoir davantage de « linéaire », c’est à dire avoir davantage de leurs produits mis en rayon, là aussi : ils doivent payer la chaîne. S’ils se fâchent, refusent de payer : ils sont déréférencés, c’est à dire ne sont plus vendus dans le magasin ; ou sont mis tout en haut ou tout en bas des rayons, là où l’acheteur va peu. Sans parler des dessous de table à verser à l’occasion.

b ) par les paiements
Les clients payent de suite leur produit, ou à crédit, en versant au passage un intérêt. C’est normal bien sûr. Les magasins, eux, ne payent leurs fournisseurs que deux, trois ou quatre mois après qu’ils les aient livrés. C’est à dire que cela fait bien longtemps que le produit est vendu par la grande surface, sans même qu’elle l’ait payé à son livreur !

Imaginez : vous êtes payé par votre entreprise pour janvier, mais ne travaillerez qu’en mars ou avril ! Donc, cela fait des sommes colossales que les grandes surfaces engrangent gratuitement, au paiement des salaires et frais fixes près. Ils peuvent placer cet argent à un bon taux d’intérêt, ou le faire travailler eux mêmes, par exemple en créant d’autres magasins : ce sont leurs fournisseurs qui les payent. Dans leurs bénéfices, ils tirent en fait davantage de résultat de cette opération que de la vente de leurs produits.

La dernière façon de voler qu’ont les grandes surfaces, c’est de donner un conseil nul à leurs acheteurs, soit en ne mettant aucun personnel pour ce faire ; ou pire, en mettant des gens ne connaissant strictement rien aux produits ; ou, pire encore, faisant croire à un meilleur produit là où l’on veut se débarrasser d’un produit en fin de vie, ou donnant la plus forte marge.

C’est ainsi que vous détenez maintenant un objet ne vous satisfaisant nullement, tombant rapidement en panne, dont les pièces ne seront plus suivies sous peu. Ou encore, vous partirez faire du bricolage avec des conseils de pose complètement faux, mais assénés par les vendeurs de manière péremptoire, signe le plus souvent d’incompétence de fait. Les grands magasins s’en moquent : vous les avez payés ! Qu’importe si vous passez des dizaines d’heures de bricolage inutile fait avec de mauvais conseils, ou à l’aide de mauvais produits.

Tout cela est du vécu. Par exemple, j’ai acheté des serrures à mettre sur une porte. Las ! Elles se sont bloquées dedans, car du premier prix : j’ai dû casser la porte pour l’ouvrir ! Pourquoi vendre de telles cochonneries ! Le magasin n’en a cure : il ne sera jamais puni pour ça. Il est sûr que je reviendrai chez lui : la concurrence existe de moins en moins.

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